Dans le discours sur l’état de la Nation qu’il a prononcé devant le congrès le vendredi 13 décembre, le Président Tshisekedi a proposé au congrès d’entamer des « réflexions approfondies » sur la question de la nature unique et exclusive de la nationalité congolaise. Ces réflexions auxquelles il invite les députés et sénateurs, vont permettre de « mettre fin à cette ambiguïté nationale qui ne profite à personne » et « nous adapter à l’évolution du monde ».
Bien qu’étant qualifiée par le Président de la République «d’ambiguïté nationale », la question de la nationalité en République Démocratique du Congo est l’une des plus sensibles. L’histoire renseigne qu’elle a fait couler non seulement de l’encre et la salive, mais également du sang. Les Tutsi du Congo, « Banyamulenge » et l’éternel débat autour de la reconnaissance de leur nationalité congolaise sont une illustration de l’enlisement que peut prendre le débat sur la nationalité congolaise.
La nationalité congolaise est une et exclusive.
Dans la constitution de la RDC, la question de la nationalité est traitée à l’article 10. Cet article stipule que « La nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre ». Ce principe de l’unicité et l’exclusivité de la nationalité congolaise est hérité des constitutions précédentes qui ont régi la marche de la RDC. Dans la constitution du 1er août 1964 par exemple, dite constitution de Luluabourg, ce principe de l’unicité et de l’exclusivité y est évoqué à l’article 6. Le strict respect de l’article 10 de la constitution fait que tout congolais né, qui contracte une autre nationalité, perd automatiquement sa nationalité congolaise et ne peut plus jouir des droits et privilèges réservés aux congolais.
C’est sur base de ce principe qu’en mars 2018, l’opposant congolais Moise Katumbi a fait l’objet d’une information judiciaire pour usurpation d’identité. Selon des informations rendues publiques par Jeune Afrique, Katumbi aurait détenu la nationalité Italienne du 03 octobre 2000 au 13 janvier 2017 alors qu’il a été gouverneur du Katanga de 2007 à 2015, une fonction exclusivement réservée aux Congolais selon l’article 161 de la loi électorale. Le cas Katumbi n’est pas isolé. En novembre 2016, Samy Badibanga a été nommé Premier Ministre alors qu’il détenait la nationalité Belge. C’est quelques jours après sa nomination qu’il renonce à cette nationalité Belge et recouvre la nationalité congolaise. Plusieurs autres personnalités congolaises se sont également retrouvées dans cette dualité pourtant proscrite par la loi.
Ce que propose Félix Tshisekedi, c’est de mettre officiellement fin à cette situation. Une première initiative allant dans le même sens avait été entreprise en 2007, alors que Vital Kamerhe était Président de la l’Assemblée Nationale. La chambre basse du parlement avait accordé un moratoire de trois mois aux députés ayant une nationalité étrangère pour se conformer aux prescrits de la loi et recouvrer la nationalité congolaise. Les articles 30 à 36 de la loi n°04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise, fixent les conditions de recouvrement de la nationalité congolaise.
Une notion dépassée qui empêche les Congolais ayant acquis une nationalité étrangère de revenir participer sereinement au développement socio-économique de leur pays
La proposition de Félix Tshisekedi sur la question de la double nationalité, est similaire à celle déposée le 19 août au bureau de l’Assemblée nationale par Jean-Marc Mambindi et Simon Mulamba, deux cadres du parti politique Envol de Delly Sesanga. La proposition d’Envol vise à autoriser le cumul de nationalité pour les congolais d’origine, c’est-à-dire ceux qui répondent aux critères fixés à l’article 6 de la loi n°04/024 du 12 novembre 2004.
Le parti de Delly Sesanga propose aussi d’alléger la procédure de recouvrement de la nationalité pour mes congolais d’origine qui l’ont perdu après avoir acquis une autre nationalité. Selon Nicholas Lenga, porte parole du parti politique Envol, l’unicité et l’exclusivité de la nationalité congolaise est, « une notion dépassée qui empêche les Congolais ayant acquis une nationalité étrangère de revenir participer sereinement au développement socio-économique de leur pays ».