Dans la commune de Ngaliema à Kinshasa, à Mimosa dans le quartier Kinsuka pêcheur, des hommes et des femmes exercent le métier de casseur de pierres au bord du fleuve Congo pour la survie quotidienne. Et ce, en dépit des risques qu’ils courent.
Il est 12 heures 37 minutes. Sous un soleil ardent, au bord du fleuve Congo à l’ouest de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, des centaines d'hommes et femmes travaillent au rythme de coups assourdissants portés sur la pierre par des marteaux et des burins. La côte rocheuse est peuplée de casseurs. On y retrouve de gros blocs de pierres qui seront broyés par des mains d’hommes. Felly (nom d’emprunt), 38 ans dont 25 passés dans ce métier, explique qu'avant ils utilisaient des dynamites pour casser les grosses pierres, mais que c’est désormais interdit. “Avant, on utilisait des dynamites pour briser ces blocs de pierres. Mais la pratique est à présent interdite. Les occupants des résidences qui nous entourent se sont plaints auprès des autorités pour le retrait de la permission”, explique-t-il. Ceci, à cause des dangers que présentent les pierres projetées par l’explosion des dynamites et qui ont déjà causé des dégâts par le passé.
Le peu de pluies qui se sont abattues sur Kinshasa commencent à hausser le niveau du fleuve Congo long de 4.700 km, deuxième plus grand fleuve d’Afrique derrière le Nil qui parcourt, lui, 6.650 Km. Suite à l’interdiction de la dynamite, les casseurs ont trouvé d’autres techniques pour démolir ces pierres titanesques.
Kojak, 42 ans, dont 19 passés au bord du fleuve comme casseur de pierres, est aussi père de famille. L’homme connaît plusieurs techniques pour briser ces gros blocs de pierres à mains nues. Il est de ceux qui ont traversé l'époque de dynamite à son interdiction. “Ici, il y a ceux qui ont perdu les yeux, les doigts et ceux qui se blessent quotidiennement. Mais après, on se remet vite au boulot. Alors pour limiter les risques, nous perçons le bloc à l’aide d’un burin et une lame. Tout cela, en versant de l’eau peu à peu”, fait-il savoir.
Au milieu de muscles masculins, les femmes aussi s’invitent dans ce métier apparemment réservé aux hommes. “Avant, je travaillais avec ma maman, mais en ce moment, je suis sur mon propre compte”, confie une casseuse de pierres.
Au mois d’octobre, quand les pluies s'enchaînent, il y a la montée des eaux. Tous les îlots qui permettent aux travailleurs de trouver leur matière première disparaissent. La majorité d’entre eux traverse dans des pirogues à moteurs jusqu’à la grande île “Kyudi”. Là-bas, ils partent prendre des grands blocs de pierres appelés dans leur jargon “calé” et qu’ils ramènent à la carrière.
À Kyudi y a pas que des pierres. Les hommes et les femmes qui s’y aventurent ramènent aussi de l'huile de palme, des mangues, des différentes sortes de légumes, des champignons, etc. Les touristes et les curieux qui veulent visiter l'île paient 1000 francs aller/retour, d’autres personnes y vivent.
C’est dans les années 70 que “Papa Lokanga” a eu l'idée de créer le métier des casseurs dans cet espace. Il fut le précurseur et après lui y a eu des générations qui sont passées par ce métier. “Ici y a des gens qui ont acheté des parcelles, des voitures, qui ont scolarisé leurs enfants, effectué des voyages… C’est un commerce sans perte. Il demande juste de la force physique”, ajoute un autre casseur à côté. “Ça rapportait beaucoup lorsque les casseurs manuels étaient seuls. Maintenant il n’y a plus assez de revenus. Plusieurs carrières industrialisées nous entourent (Carris Grès, Crec, etc)”, relatent les casseurs sur place.
Le tournant dans la vie des casseurs de pierres à Kinsuka pêcheur est survenu en 2009. C’est l’année de l’interdiction formelle de recourir à la dynamite pour briser de grosses pierres. Cette interdiction n’a pas empêché ces hommes et ces femmes d’affronter ces géants de blocs. De gros camions viennent régulièrement acheter les moellons. 20 tonnes de pierres se négocient entre 250 et 280 dollars américains.